It's a rough game, this thing called life

- FLINT! FAUTE!

Ces deux mots avaient été ceux le plus souvent prononcés par l’instructeur de vol en ce dernier cours de la journée donné pourtant au groupe de onzième année en Sports magiques. D’accord, il faisait un temps de chiottes avec une lourde pluie qui leur tombait sur la gueule depuis le début de la journée. Adriel était trempé jusqu’aux os, d’une humeur massacrante et ce guignol de Sebastian Flint semblait avoir oublié comment voler pendant les vacances d’été. Enfin, il donna le dernier coup de sifflet qui annonçait la fin du cours et attendit que tous les élèves se rassemblent en demi-cercle autour de lui pour le debriefing final. Le bilan n’était pas très positif en général et l’ensemble du groupe se fit remonter les bretelles par leur instructeur, qui eut quelques dernières paroles avant de les libérer:

- Flint! T’as joué comme un manche tout le cours, pour ça tu restes pour faire l’entretien des balais. Comme ça tu te sentiras en terrain connu avec d’autres manches!

Il y avait deux raisons à cette corvée imposée: Flint avait vraiment été le pire du lot aujourd’hui, et Adriel voulait ce prétexte pour discuter avec le jeune homme. Ce n’était pas du tout ce qu’on lui avait vendu sur le papier lorsqu’il avait questionné les autres professeurs sur les élèves particuliers à surveiller. Où était le sale gosse prétentieux qui prenait tout le monde de haut et qui crevait d’arrogance qu’on lui avait décrit? Sans dire que Sebastian longeait les murs et gardait profil bas depuis le début de l’année scolaire… Adriel avait peine à croire au portrait dressé tellement Flint était discret et effacé. Il se rappelait très bien ses propres déboires à cet âge, à quel point certains problèmes pouvaient ressembler à des montagnes, à quel point la confiance en soi pouvait dégringoler en un clin d’œil.

Il avait rangé l’équipement aidé de quelques élèves volontaires puis s’était dirigé à son bureau qui jouxtait la salle où les balais étaient entreposés et les vestiaires. Les coffres où les diverses balles utilisées pour jouer au Quidditch quant à eux étaient gardés sous protections magiques dans son bureau, loin des éventuels tricheurs rêvant d’enchanter les cognards à leur avantage. Il s’était changé, pas mécontent de troquer ses vêtements dégoulinants d’eau pour un jean confortable, un t-shirt et un pull noir. Après une tournée des vestiaires pour s’assurer que rien ne traînait, même s’il y avait toujours quelqu’un pour oublier son sac, ses chaussettes ou il ne savait quoi encore (année à peine commencée et Adriel envisageait faire un palmarès des trucs les plus incongrus retrouvés), il se dirigea vers la salle d’entreposage pour voir si Sebastian s’était attelé à la tâche. Le blond eut un petit sourire en voyant que son élève n’avait pas traîné les pieds, et il se rapprocha pour voir comment il s’en tirait avec le paquet de balais à nettoyer, polir, et tailler les poils trop usés.

- Hey. Des mauvaises journées ça arrive mais tu peux pas aller sur le terrain avec des soucis plein la tête sinon il va t’arriver bien pire qu’un instructeur qui te gueule dessus et qui te fout en colle après le cours. Le gars que j’ai sur les fiches de Quidditch de l’année passée et celui que j’ai sur le terrain concordent pas Flint. Alors soit t’es un Doppelgänger, soit y’a quelque chose qui va pas.

Adriel s’était appuyé contre l’établi, les mains dans les poches de son jean, le regard posé sur le plus jeune. Il ajouta ensuite, sur un ton léger et avec un sourire taquin:

- Si tu me dis où t’as caché le corps de Sebastian je te laisse filer sans te dénoncer au Contrôle des Créatures magiques. Je t’offre vraiment une occasion en or là.

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Il y avait quand même la mince possibilité que les autres professeurs aient voulu se payer la tête du petit nouveau en lui balançant de fausses informations. Sauf que si le caractère belliqueux qu’on avait étiqueté à Flint ne paraissait pas depuis la rentrée scolaire, ses performances au Quidditch étaient suffisamment éloquentes pour qu’Adriel constate la disparité. Son regard bleu posé sur le plus jeune, ne bougeant pas d’un millimètre alors que l’autre manipulait le balai à nettoyer qu’il avait en main et lui faisait le discours classique du joueur qui ne voulait pas admettre qu’il était en train de se casser la gueule. Combien de fois est-ce qu’il avait entendu des coéquipiers dire ça, pour les voir être recalés dans les ligues mineures une semaine après? Combien de fois avait-il lui-même tenté de glisser ce pieux mensonge à ses psychologues après son accident, voulant leur assurer que tout allait bien, que ça allait passer, alors qu’au fond absolument rien n’allait bien? Si Flint pensait qu’il venait d’inventer cette parade, il se trompait lourdement. Les excuses présentées à la fin de la courte justification du jeune homme firent hausser un sourcil au demi-vélane, qui secoua la tête, comme si être désolé allait changer quoi que ce soit à la performance merdique d’aujourd’hui.

- Dis-moi, tu veux une carrière professionnelle ou pas? Tu penses qu’un recruteur assis dans les estrades aujourd’hui aurait pensé quoi de ton jeu? Tu crois qu’il aurait rayé ton nom d’emblée, ou qu’il se serait dit Oh le pauvre chou, il a une mauvaise rentrée? Eux ils s’en branlent de ce que tu vis, qui tu es et à quelle température tu bois ton thé. T’es une carte de statistiques à leurs yeux, et même si ça semble horrible de dire ça, au fond c’est une sacrée opportunité. Le recruteur, il se fiche bien de ton nom de famille, de la pureté de ton sang ou que tu sois un hybride comme moi; c’est ce que tu montres sur le terrain qui compte à ses yeux. C’est le seul endroit au monde où tu peux montrer aux autres qui tu es vraiment et où personne ne peut t’enlever ce que t’accomplis par la seule force de tes bras et ta volonté.

Du moins, jusqu’à ce qu’un putain de connard ne te fasse chuter de ton balai. Mais cette pensée amère ne franchit pas les lèvres d’Adriel. Ce genre d’incident aux répercussions aussi graves restait anecdotique dans le monde du Quidditch; il s’en serait relativement bien tiré en fait s’il n’y avait pas en plus eu un cognard qui s’en était mêlé. De toute manière ils n’étaient pas ici pour parler de lui, mais pour remettre Flint sur les rails. Sortant ses mains de ses poches pour croiser les bras contre lui, Adriel adressa un petit sourire amusé, et reprit d’un ton plus léger que son étalage de faits d’un peu plus tôt.

- Une partie de mon job est d’être sur ton cas si tu te traînes les pieds, l’autre c’est d’avoir une approche pédagogique et d’être à l’écoute de mes élèves. T’as déduit que je suis pas très bon dans la seconde partie de mon job j’espère. Sauf que si t’as envie de ventiler, je vais nous chercher une bière et t’auras le droit de me gueuler dessus comme un demeuré jusqu’à ce que l’abcès que tu te traînes crève. Qu’est-ce que t’en dis? Bière avec le prof ou temps de qualité avec les balais dégeulasses?

En vérité, Adriel avait décroché d’excellentes notes dans le volet pédagogie lors de son apprentissage. Il avait simplement choisi d’aborder Flint en lui parlant comme à un adulte, et de le traiter comme tel, et non comme un gamin qui faisait des bêtises. Il n’y avait que six années de différence entre eux et Adriel se rappelait parfaitement ô combien les professeurs qui s’adressaient à lui comme s’il avait quinze ans l’horripilaient au plus haut point.

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Pour un petit con arrogant, son élève avait plutôt adopté la peau du petit chiot qui faisait quasiment pitié abandonné sous la pluie. Quelque chose avait changé, avait miné la confiance de Flint mais Adriel n’allait certainement pas commencer à s’intéresser aux rumeurs qui pouvaient circuler à Poudlard car il savait très bien que la majorité d’entre elles étaient fausses. Si le petit voulait en parler il le ferait de son propre chef. Adriel se doutait bien qu’en tant que nouvel instructeur et revenu depuis peu au Royaume-Uni, il n’y avait aucune raison que le jeune homme en face ait envie de lui faire confiance et s’ouvrir à lui. Il cru avoir une piste avec la question soulevée par Flint, à laquelle il répondit d’abord par un signe affirmatif de la tête.

- Allons Flint, t’es un Serpentard comme je l’ai été; tu connais la hiérarchie: les Sang-Purs en haut, puis les Sang-mêlés, Adriel accompagnait son explication d’un geste de la main qui baissait d’un échelon à chaque terme qu’il énumérait. les Nés-moldus et tout en bas t’as les Hybrides à peine dignes de fouler le même sol que les Sorciers. Tu crois que j’aurais eu une carrière aussi fulgurante en aussi peu de temps si on s’était arrêté à qui je suis? J’étais plus que bon: j’étais excellent, je jouais en équipe et je mettais le putain de souafle dans le but peu importe les circonstances. J’avais encore le derrière sur les bancs d’école qu’on était venu me recruter, et c’était professorat ma spé, pas les sports magiques. Alors oui, on s’en fout de qui tu es. Le monde est tellement plus grand et plus sympathique que Poudlard, crois-moi sur parole.

Il avait adressé un clin d’œil complice au plus jeune. Poudlard était un panier de crabes particulièrement toxique quand on se retrouvait entraîné dans ces histoires de réputation et de pseudo noblesse. Ilvermorny desservait un pays énormément plus grand, des jeunes sorciers de tous horizons venaient étudier sous son toit et les rumeurs et enjeux se jouaient sur d’autres tableaux davantage liés au quotidien. Les élèves pouvaient être personne ou encore se reconstruire complètement une nouvelle personnalité et histoire vu la distance entre leur vie familiale et celle scolaire. La vie professionnelle avait été une liberté extrêmement délicieuse. Et maintenant il était là, de retour à Poudlard, à faire signe à son élève de l’attendre le temps qu’il aille chercher la bière proposée. Bière sans alcool bien entendu, il n’allait quand même pas risquer son matricule par manque de jugement et même si Flint était majeur, ils étaient dans le périmètre de l’école et devaient donc se plier à ses règles. De retour avec deux cannettes bien froides, Adriel en tendit une au jeune homme, et il s’installa à demi sur l’établi de réparation après en avoir chassé le balai qui y trônait.

- Bon en fait, ça a le goût de la bière, mais faudra qu’on se croise dans un vrai bar pour que je t’en paie une digne de ce nom. Ça reste quand même mieux qu’un jus de citrouille comme si on avait tous les deux douze ans.

Le bruit caractéristique d’une cannette que l’on débouche, et le demi-vélane en prit une gorgée, avec la pensée qu’il la méritait bien cette pseudo bière après cette journée à se faire chier sous la pluie pendant tous ses cours. Il s’en ouvrirait probablement une vraie une fois dans ses appartements mais pour l’instant ça faisait amplement l’affaire. Il regarda ensuite Flint, pour lui proposer ce qui pourrait l’aider à se construire une meilleure concentration avant les cours et les matchs de Quidditch.

- T’es pas sans savoir que le monde des sports est rempli de superstitions et que bien des joueurs ont leur petit rituel avant chaque partie. Y’en a que c’est d’aller taper le sommet du but du centre, d’autre de dire une prière ou peu importe ce qui sied à chacun. Appelons ça la préparation mentale pour les besoins de la cause. Quand t’enlèves tes vêtements ordinaires avant un match, laisse aussi tes soucis et toutes les pensées parasites dans ton vestiaire. Laisse Sebastian Flint dans le placard et enfiles l’uniforme de Quidditch de ton alter-ego: le Batteur qui adore tellement ce qu’il fait qu’il est prêt à se prendre un cognard entre les dents si c’est pour faire gagner son équipe. Si les Batteurs de mon ancienne équipe avaient eu la moitié du talent que tu promets d’avoir un jour Flint, je serais peut-être encore sur un balai aujourd’hui au lieu de devoir enseigner à ta sale gueule. Et je te dis pas ça pour te flatter mais bien parce que je le pense.

Il était sérieux, il était sincère et il tentait de le communiquer dans son attitude et le regard qu’il appuya sur Flint. Brosser le dos des gens pour leur faire plaisir alors qu’il était question de l’avenir du petit, ce n’était pas le genre d’Adriel. Si Sebastian avait été mauvais ou une cause perdue, il le lui aurait fait comprendre d’une manière très directe pour qu’il se réoriente ailleurs. Après un sourire, il poursuivit sur le ton de la conversation futile:

- Sinon faut quand même que je te pose les questions d’usage: t’as un endroit pour crécher? Tu manges à ta faim? T’as pas de soucis financiers ou des Aurors qui risquent de débarquer pour t’arrêter à tout moment?

Même si le ton était plus léger pour éviter que son élève se sente pressurisé, les questions restaient sérieuses pour Adriel. Il préférait laisser la porte ouverte si jamais le problème était là.

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